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L'histoire des roches du Massif du Cap Sicié


" Le Massif du Cap Sicié est un vestige d'une ancienne chaîne de montagnes de 6 kilomètres d'altitude qui s'est formée il y a environ 350 millions d'années. "

Le Massif du Cap Sicié s’inscrit dans la Provence cristalline qui se distingue de la Provence calcaire par des roches affleurantes métamorphiques, témoins d’une histoire géologique ancienne et mouvementée (Figure 1). Pour appréhender le contexte géologique du massif, cela nécessite de faire un petit voyage dans le temps.


Cependant, avant de retracer l’histoire géologique qui a abouti à la géologie actuelle, il est important de présenter quelques notions de base.


Figure 1 : Carte de la Provence cristalline. Source : A. Roso, d’après les cartes géologiques de Marseille et de Nice au 1:250 000 (BRGM). *Un article sur la dépression permienne est en cours de réalisation.

Le Basse-Provence :

Dans le Midi méditerranéen, composé de la région PACA, Languedoc-Roussillon et de la Corse, on discerne la Provence alpine ou Haute-Provence, appartenant au domaine alpin, de la Basse-Provence, localisée au Sud et qui s’inscrit dans le domaine pyrénéo-provençal [1].

D’un point de vue géologique, la Basse-Provence se subdivise en trois grands ensembles [2] :


- La Basse-Provence cristalline qui se compose principalement des Massifs hercyniens des Maures (710 mètres), du Tanneron (519 mètres) et du Cap Sicié (358 mètres). La dépression permienne ainsi que le massif volcanique de l'Estérel sont compris dans la Provence cristalline.


- La Basse-Provence calcaire qui se délimite au Nord par la Haute-Provence, à l’Est par le Massif des Maures, au Sud par la mer Méditerranée et à l’Ouest par la Basse-Provence Rhodanienne. La roche qui la compose provient de sédiments* marins carbonatés qui furent déposés pendant l’ère mésozoïque (anciennement appelée ère secondaire) dans un océan aujourd’hui disparu, nommé la Thétys. Les roches forment aujourd’hui les reliefs calcaires de la Nerthe, de l’Etoile, de la Sainte Baume, de la Sainte Victoire et de Toulon notamment.


- La Basse-Provence rhodanienne qui est constituée des plaines alluviales* de la Durance et du Rhône.


* cf lexique en bas de l'article

Figure 2 : Carte géologique de la Basse-Provence. Source : geolvar.free.fr

Le métamorphisme :

Le métamorphisme désigne l’ensemble de transformations minéralogiques et structurales subies par une roche à l’état solide lorsqu’elle est placée dans des conditions de pression et de température différentes de celle de sa genèse.


Les roches métamorphiques, qui composent la quasi-totalité du Massif du Cap Sicié, possèdent une texture et des minéraux argileux. Ces roches se sont donc formées en surface par accumulation d'argiles notamment. Cependant les études microscopiques sur les roches du massif révèlent la présence de minéraux, comme la chlorite, qui se forment uniquement en profondeur sous des pressions et des températures importantes. Ainsi on peut conclure que les roches du Massif du Cap Sicié, bien qu'elles aient été formées en surface, ont été transportées en profondeur par le mouvement des plaques tectoniques où elles ont subi un phénomène de métamorphisme. Par la suite, le mouvement des plaques les a à nouveau transportées jusqu'en surface.


La présence de ces minéraux au sein des roches a permis d’établir l’hypothèse que ces roches ont été métamorphisées lors d’une collision engendrée par le rapprochement de deux plaques tectoniques. De plus, des similitudes entre les Massifs cristallins provençaux et les roches du Massif central, du Massif Armoricain, des Vosges, des Ardennes et d’une partie de la Corse ont permis de conclure qu’elles ont été métamorphisées à la même période [3].

Histoire géologique du socle métamorphique :

Cette période est le Paléozoïque ou ère primaire, où au Dévonien entre 390 et 360 millions d'années (Ma), deux supercontinents, la Laurussia au Nord et le Gondwana au Sud, reposant respectivement sur la plaque Europe et la plaque Afrique, se rapprochent suite à un mouvement de convergence de leur plaque et entrent en collision. La fusion entre les deux continents forme un continent désormais unique, appelé la Pangée (Figure 3). La collision entre ces deux continents aboutit également à la formation d'une chaîne de montagnes, appelée la chaîne varisque ou chaîne hercynienne, qui s’est achevée il y a environ 320 Ma [4].


A l’époque de sa formation, la chaîne hercynienne pouvait être comparée à l’actuel Himalaya ou aux Alpes, formant un énorme bourrelet de la croûte terrestre sous l’effet du choc entre la plaque Afrique et la plaque Europe qui réunirent les deux supercontinents.

Figure 3 : Le rapprochement des deux continents et la formation de la chaîne varisque/hercynienne.


Ainsi des roches formées à une période antérieure à cette époque (pour certaines déposées au Précambrien, il y a plus de 500 Ma) vont subir, lors de l'orogenèse* de la chaîne hercynienne, une déformation tecto-métamorphique à des profondeurs variant entre 10 et 20 km de profondeur et se métamorphiser lors de cette collision.


A cette période les territoires actuels de la Provence, de la Corse ainsi que de la Sardaigne s’inscrivaient au sein de la chaîne pyrénéo-provençale sur le continent Pyrénéo-corso-sarde, localisé dans dans la partie sud de la chaîne hercynienne (Figure 4).


Figure 4 : Localisation de la France au sein de la chaîne hercynienne (-300 Ma) .

Le phénomène de collision ayant aboutit à la formation de la chaîne hercynienne :

Comme expliqué précédemment, les roches de la Provence cristalline se sont métamorphisées lors de la collision entre les lithosphères continentales de la Plaque Europe et de la plaque Afrique au Dévonien. La figure 5, ci-dessous, illustre ce phénomène.


1. Lors du rapprochement entre la plaque Afrique et Europe, la lithosphère océanique de la plaque africaine, comprenant la croûte océanique, moins dense que la lithosphère continentale européenne, s’enfonce sous cette dernière. On parle alors de subduction. 2. Une fois la lithosphère océanique “digérée” sous la lithosphère continentale de la plaque Europe, les lithosphères continentales des deux plaques, de même densité, entrent en collision. 3. Les roches sont plissées, remaniées et il se forme une chaîne de collision aboutissant à un rétrécissement horizontal de la croûte terrestre et une augmentation de l'épaisseur verticale formant les reliefs.


Figure 5 : Schéma de la collision entre la plaque Afrique et Europe au Dévonien. Phénomène à l'origine de la formation de la chaîne hercynienne. Source : d'après Georges Bronner (2006).


Tout au long des étapes 1 à 3, les roches transportées en profondeur sont métamorphisées et au-delà d’une certaine température, transformées en magma, qui remonte à la surface le long des failles, créant ainsi du volcanisme. C'est pourquoi en se promenant sur le massif du Cap Sicié, on retrouve par moment des intrusions de basalte* datant de cette époque.

L’effet de métamorphisme sur une roche argileuse :

Lors de la collision, les roches sont transportées en profondeur où elles subissent un accroissement de la température et de la pression. On dit qu'elles sont métamorphisées. Les roches argileuses sont transformées au fur et à mesure que la température et la profondeur augmentent en schiste*, en micaschiste ou éventuellement en gneiss* (Figure 6). Au-delà, d’une certaine température, la roche entre en fusion et passe d’un état solide à liquide. La roche partiellement fondue est nommée une migmatite et lorsqu’elle l’est totalement, elle devient du magma. La densité du magma étant plus faible que celle des roches, il remonte naturellement vers la surface en se faufilant dans les fractures de la croûte terrestre. Celui-ci cristallise lorsque la température diminue en pluton granitique.


A l'est de Fréjus, le massif de l'Estérel, qui est compris dans la Provence cristalline, s'est formé suite à un volcanisme intense qui s'est déroulé il y a environ 275 Ma. Ainsi le massif de l'Estérel est un témoin d'une activité volcanique en Provence à cette époque. Ces événements se sont déroulés suite à l'effondrement de la chaîne hercynienne qui a causé des fractures dans le massif et par lesquelles la lave s'est infiltrée.


Les roches métamorphiques de la Provence cristalline ont, pour la majorité d’entre elles, la particularité de se débiter en feuillets traduisant les fortes pressions et l’aplatissement qu’elles ont subis lors de la collision qui a donné naissance aux massifs hercyniens.

Figure 6 : Diagramme Pression/Température sur une roche argileuse

Source : d'après Georges Bronner (2006).

Les roches métamorphiques du Massif du Cap Sicié :

Au XXème siècle, la géologie du Massif du Cap Sicié a été particulièrement étudiée par le Professeur Claude Gouvernet. Ses travaux ont permis de faire une synthèse des recherches déjà menées par ses prédécesseurs (Bertrand, Haug, Lanquine, Lutaud, Termier) et d’apporter de nouveaux éléments sur la géologie du massif, notamment en précisant son âge, qui était resté pendant longtemps un mystère.


Ses prédécesseurs avaient déjà déterminé que les terrains du Massif du Cap Sicié étaient constitués de phyllades d’âge hercynien (Figure 7). Ces roches, familièrement nommées des lauvisses* par les Provençaux sont des roches d’origine sédimentaire et argileuse.


De manière générale, ces roches sont très satinées et finement feuilletées. Les phyllades de Sicié ont été soumis à d’importantes déformations et on peut aisément observer les plis dus à la compression. En effet, elles révèlent parfois des lignes de compression lui donnant un aspect froissé ou plissoté et qui démontre les forces de compression qu’elles ont subies. Les phyllades se débitent également en petits blocs le long de plans privilégiés, généralement parallèles entre eux et à l’axe du pli. On parle alors de schistosité lorsque la roche présente un feuilletage acquis à la suite de contraintes dues à la tectonique des plaques et aux mouvements de compression. La roche se clive alors en lames ou en feuillets plus ou moins épais et réguliers.


Elles ont donc subi un métamorphisme de basse intensité et ont été recristallisées en profondeur en subissant des pressions et des températures importantes lors de la formation de la chaîne hercynienne. La présence au sein des phyllades de minéraux microscopiques tels que la chlorite, la muscovite, la séricite ou encore la biotite, ainsi que de plis et de lignes de compression prouve que ces anciennes roches sédimentaires ont été métamorphisées par du métamorphisme de basse intensité. La présence de séricite (variété de mica blanc) a été détectée suite à des études microscopiques. Par moment les phyllades sont parcourus ou intercalés par des quartzites blancs, on parle alors de quartzophyllades ou de phyllades lardés de quartzites (Figure 8). [5]

Figure 7 : Phyllades. Source : J-C AUTRAN Figure 8 : Quartzophyllades. Source : J-C AUTRAN

Les phyllades, avant d’être métamorphisés, étaient des roches détritiques* qui se sont formées à partir de sédiments provenant de l’érosion d’autres roches. Il s’agissait de roches argilo-sableuses formées en milieu marin. En effet, des études menées dans le Massif du Fenouillet à Hyères ont permis de découvrir dans les quartzophyllades la présence de schistes noirs riches en matière organique contenant des fossiles de restes de graptolites. Les graptolites sont des organismes datés de l’ère primaire et qui ont vécu jusqu’à la fin du Silurien, il y a environ 440 Ma.


En résumé, deux grandes structures de phyllades sont visibles. D’une part, il existe des phyllades sous forme de lits durs et clairs qui se caractérisent par la présence de nombreux minéraux de quartz de petite taille. Lorsque le quartz a cristallisé dans des fentes sous forme de lits épais, il s’agit de quartzophyllades . D’autre part, il existe des phyllades sous forme de lits gris et tendres riches en minéraux argileux et micas blancs. Il s’agit de simples phyllades constitués d’argiles, de quartz et de micas [5].

Le relief du Massif du Cap Sicié :

Les recherches géologiques qui ont été menées sur le Massif du Cap Sicié ont permis d’en apprendre un peu plus sur l’origine et l’histoire géologique du Massif. Constitué de roches dont certaines se sont formées au Précambrien, il y a environ 550 Ma, le Massif du Cap Sicié figure parmi les reliefs possédant les roches les plus anciennes de France. Ces dernières ont été métamorphisées en profondeur à partir de la fin du Dévonien (environ 350 Ma) jusqu’au début du Carbonifère (320 Ma) lors de la collision entre deux continents.

Les phyllades du Massif du Cap Sicié appartiennent donc au socle métamorphique. Par la suite, ce dernier a été recouvert par des formations géologiques plus récentes, en particulier par des roches calcaires déposées à l'ère mésozoïque. Le relief métamorphique du Massif du Cap Sicié existe aujourd'hui en raison d'une nappe du socle qui a été soulevée et déversée vers le nord à la fin de l’Éocène (il y a environ 30 Ma) suite à une compression majeure à composante Sud-Nord (Figure 9) [6]. Cette compression s'est traduite par des charriages de terrains métamorphiques vers le Nord qui sont remontés en surface par le biais de failles.

Figure 9 : Coupe schématique Nord-Sud à travers la Provence calcaire jusqu’au Cap Sicié

Source : d'après Georges Bronner (2006).

La tectonique des plaques a donc permis de faire jaillir des profondeurs de la croûte terrestre les vestiges géologiques d'une ancienne chaîne de montagnes, la chaîne hercynienne, qui s'inscrivait dans un continent aujourd'hui disparu : la Pangée. Ces vestiges en Provence sont représentés principalement par les Massifs du Cap Sicié, des Maures et du Tanneron.




Alex Roso

Bibliographie :

[1] PHILIP J. 2012. “L’exploration géologique de la Provence, deux siècles et demi de débats et de controverses”. Presses des Mines, collection Histoire, sciences et sociétés. 366 pages.

[2] LUTAUD L. 1924. “Etude tectonique et morphologique de la Provence cristalline”. Librairie Delagrave. 270 pages.

[3] ELLENBERGER F. « Hercyniens Massifs ou Massifs varisques », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 22 mars 2016.

[4] TERMIER G., TERMIER H. “Variques chaînes ou chaînes hercyniennes”, Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 22 mars 2016.

[5] AUTRAN J-C. 2012 - "Géologie des territoires de La Seyne-sur-Mer et de Saint-Mandrier". Texte publié (pp. 24-34) dans : Regards sur deux terroirs - La Seyne-sur-Mer et Saint-Mandrier, Cahiers du Patrimoine Ouest-Varois n° 14 (RIBOT H. et A. PERETTI A.), coordinateurs), Editions du Foyer Pierre Singal, Sanary-sur-Mer et Centre Archéologique du Var, Toulon, avril 2012, 712 p.

[6] BOURNERIAS M., POMEROL C., TURQUIER Y. 1991. “La Méditérannée de Marseille à Menton”. Guides naturalistes des côtes de France, Editions Delachaux et Niestlé. 248 pages.

Lexique :

Basalte : Roche volcanique basique. Les laves basaltiques sont très fluides et peuvent s’écouler sur de grandes distances. La roche est très dure, compacte ou vacuolaire, généralement noire, plus rarement verdâtre ou rougeâtre, à texture microlithique, disposée en nappes, en filons, en gradins ou en blocs prismatiques.

Détritique : Se dit d’une roche sédimentaire formée essentiellement de débris. On distingue les roches détritiques terrigènes, formées de débris issus de l’érosion d’un continent, des roches biodétritiques, formées de fossiles ou fragments de fossiles animaux ou végétaux. Suivant leur granulométrie (grosseur des grains), on distingue plusieurs types :

Gneiss : Roche métamorphique foliée de structure schisteuse, comprenant du quartz, du mica et du feldspath.

Lauvisse : Du Provençal lauve, signifiant pierre plate, les lauvisses désignent des roches appelées phyllades (vient du grec phullon signifiant feuille et faisant référence à l'apparence en forme de feuillet des roches).

Orogenèse : Genèse des reliefs ; époque au cours de laquelle a lieu ce processus.

Plaine alluviale : (ou terrasse alluviale) Plaine qui est formée par le dépôt de sédiments alluviaux, de dépôts alluvionnaires, d'alluvions, dans les plaines inondables. Une alluvion consiste en un dépôt constitué par des matériaux solides transportés et déposés par les eaux courantes d'un cours d'eau qualifiant ainsi les regroupement de cailloux, graviers, galets, sables ou limons.

Schiste : Roche de constitution très variable, caractérisée par une texture feuilletée résultant d'une forte compression, de contraintes tectoniques ou du métamorphisme.

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