TOUT CE QUE VOUS RÊVIEZ DE SAVOIR SUR NOTRE STAR NATIONALE : La méduse Pelagia noctiluca (Forsskål,
La belle méduse Pelagia noctiluca, qui a pour habitude de traumatiser plus d’un vacancier chaque année, est un organisme marin commun des eaux chaudes des milieux tempérés (Atlantique, Pacifique Nord et Méditerranée). Reconnaissable par ses tâches brunes et violacées, elle est munie de huit filaments urticants pouvant atteindre un mètre de long pour les plus gros spécimens. Sous son ombrelle se trouvent des bras buccaux lui permettant d’immobiliser les proies qu’elle a préalablement tétanisées de son venin. Pelagia noctiluca (du latin nox = nuit, et lux = lumière) peut s’observer la nuit car elle est dotée de capacités luminescentes. Cette méduse est pélagique ce qui signifie qu’elle vit dans la colonne d’eau et ne connaît pas de stade fixé (à un organisme ou au sol). Depuis ces dernières décennies, P. noctiluca envahit nos littoraux méditerranéens durant la saison estivale. Ce phénomène reste encore difficile à expliquer du fait d’une distribution complexe de ces organismes.
Plusieurs hypothèses ont néanmoins été émises pour expliquer l’apparition de ces phénomènes de prolifération. L’une d’entre elle, suggérée par le chercheur Molinero en 2008, explique que les proies planctoniques de P. noctiluca (e.g. zooplancton et ichtyoplancton), tributaires des courants marins, contrôleraient les distributions et les abondances de cette méduse pouvant expliquer leur rapprochement près de nos côtes [1].
Par ailleurs, certains scientifiques dénoncent les activités d’origines anthropiques. A titre d’exemple, la disparition des prédateurs de P. noctiluca (e.g. tortues et gros poissons pélagiques) causée par la surpêche, pourrait expliquer cette pullulation. Jacqueline Goy (ichtyologue) pointe du doigt les rejets d'œstradiol dans le milieu, provoqués par l’utilisation des pilules
Figure 1 : Essaim de P. noctiluca
non loin de Calvi (Corse, France).
(Source : http://reflexions.ulg.ac.be/)
Des concentrations même faibles d’oestradiol dans le milieu pourraient altérer la reproduction des prédateurs de méduses par l’augmentation de la proportion des femelles par rapport aux mâles, laissant tout le temps aux méduses de proliférer. Enfin, P. noctiluca par son comportement opportuniste (qui n’a pas de restriction dans son régime alimentaire), est une espèce très compétitrice et abondante dans les environnements pélagiques, ce qui leur confère un avantage certain par rapport à d’autres espèces de méduses pour proliférer [2][3].
En ce qui concerne la reproduction de P. noctiluca, elle a surtout lieu en automne. Les adultes, dont les sexes sont séparés, libèrent les gamètes mâles et femelles en pleine eau. Les œufs ainsi fécondés donnent naissance à une larve nageuse (larve planula), principale proie des petits poissons. Cette larve grossit progressivement jusqu’à devenir une jeune méduse. Comme indiqué précédemment, cette méduse ne connaît pas de stade polype (fixé sur le fond) contrairement à d’autres espèces.
Figure 2 : Cycle de vie de P. noctiluca (d’après Claude Carre, CNRS)
Certes, P. noctiluca compromet beaucoup de baignades et d’après-midi farniente sur nos plages, mais comme toutes les méduses, elle constitue un organisme étonnant et passionnant. Dépourvue de cerveau, de sang et de squelette et constituée de 98% d’eau P. noctiluca semble très simpliste en apparence. Et pourtant, ces organismes sont apparus il y a 650 millions d’années et ont survécu à toutes les extinctions massives dont a été victime la planète terre. Ces méduses constituent également un des maillons de la chaîne alimentaire dans les milieux aquatiques et sont ainsi indispensables au bon fonctionnement des écosystèmes marins. De plus, une étude menée 2011 a montré que le venin de P. noctiluca, alors cytotoxique (qui dégrade les cellules) pouvait inhiber la viabilité des cellules cancéreuses du colon (HCT116) [4]. Un vaste champ des possibles est alors ouvert quant aux propriétés pharmaceutiques d’un tel venin.
Figure 3 : P. noctiluca nage en pleine eau en contractant
son ombrelle. (Source : Alexander Semenov)
En cas de piqûre, le meilleur des remèdes est d’appliquer un produit tel que de la mousse à raser ou faire un emplâtre de sable humide et de racler le tout à l’aide d’une carte (type carte bleu) afin d’empêcher les cellules urticantes qui n’ont pas encore explosé dans l’épiderme de diffuser leur venin. Il ne faut surtout pas créer de choc halin (rincer à l’eau douce) ou thermique (frotter la brûlure avec du sable chaud par exemple) susceptible d’exciter les cellules urticantes. Néanmoins, une fois toutes ces précautions prises pour éliminer les cnidocystes (cellules urticantes sur les tentacules de la méduse), il est tout de même conseillé d’exposer la blessure à une source chaude (e.g. galet, sable chaud). En effet ce venin étant thermolabile, il peut être résorbé lors de l’élévation de la température.
Sources et références :
Ouvrages/publications :
[1] Molinero J.C., Casini M., Buecher, E. (2008). The influence of the Atlantic and regional climate variability on the long-term changes in gelatinous carnivore populations in the northwestern Mediterranean. Limnol. Oceanogr. 53, 1456-1467.
[2] Rosa, S., Pansera, M., Granata, A. et Guglielmo L. (2013). Interannual variability, growth, reproduction and feeding of Pelagia noctiluca (Cnidaria: Scyphozoa) in the Straits of Messina (Central Mediterranean Sea): Linkages with temperature and diet. Journal of Marine Systems, 111, 97-107.
[3] Gibbons M. J. et Richardson A. J. (2013). Beyond the jellyfish joyride and global oscillations: advancing jellyfish research. Journal of Plankton Research, 35: 929-938.
[4] Yosra A., Manel B., Wiem Z., Chayma B., Salwa A. et Hassen B. (2011). Induction of cytotoxicity of Pelagia noctiluca venom causes reactive oxygen species generation, lipid peroxydation induction and DNA damage in human colon cancer cells. Ayed et al. Lipids in Health and Disease, 10-232.
Sites internet :
http://www.espace-sciences.org
http://meduse.acri.fr
http://doris.ffessm.fr
http://www.institut-paul-ricard.org